[c. 30 April 1775]
à Messieurs les deux secrétaires,
Je comptais envoier aujourd'hui à l'un des Bertrands l'ouvrage très utile sur le commerce des bleds.
Je ne conçois pas pourquoi on ne m'a pas envoié encor l'imprimé.
L'un des Bertrands me mande qu'on ne sçait point ce que c'est que ce Jean Vincent Antoine. Cependant, j'air reçu un mémoire concernant Jean Vincent Antoine Ganganelli, écrit de la même main, et envoié sous le même contre seing que l'écrit sur la liberté du commerce des bleds. Mais certainement on ne fera nul usage de l'histoire de Jean Vincent Antoine.
On se confie entièrement au zèle généreux des Bertrands, au sujet de l'officier prussien. D'Hornoy s'obstine pour disculper sa compagnie, à vouloir des Lettres de grâce, que ce brave officier rejette avec horreur. Il manquerait d'ailleurs essentiellement au Roi son maître, et il se déshonorerait s'il allait faire entériner à genoux ces lettres de grâce par ses bourreaux, en portant l'habit uniforme des vainqueurs de Rosbak. La seul idée d'une telle infamie fait bondir le cœur. Il ne veut absolument qu'un mot de consultation. Trois avocats de Paris ne peuvent refuser ce mot en 1775, après que huit avocats ont signé en 1766 la même chose que nous demandons.
Voilà l'unique point sur lequel nous insistons. Il ne s'agit que d'un oui, ou d'un non, de la part de ces avocats. S'ils refusent il n'y aura autre chose à faire qu'à nous envoier le mémoire à consulter. On poura en adresser un autre au Roi très chrétien en personne, ou s'en tenir uniquement à ce qu'on doit espérer du roi son maître.
Voilà tout ce qu'on peut dire sur cette éxécrable affaire.
A l'égard de celle du chevalier de Morton et du comte de Tressan, elle est très ridicule et très dangereuse dans les circonstances présentes. Monsieur De Condorcet est très instamment suplié d'imposer silence s'il le peut à ceux qui exposent ainsi les fidèles à la persécution. On met Raton dans la cruelle nécessité de montrer publiquement que ce Morton est absurde, et ne sait pas la langue française. Il en faudra venir nécessairement à ce Scandale pour peu que la malheureuse épître de ce Morton soit connue. En vérité cette disparate est la chose la plus désespérante. Il serait affreux d'immoler son ami à la démangeaison d'imprimer des vers.
M. de Tressan n'a t'il pas dû sentir que cet imprimé ne pouvait faire qu'un effet afreux?
Voicy la lettre qu'on écrit au maître de ce malheureux officier persécuté par les bœufs tigres.
L'article monopole sera envoié le 3 mai.