1777-11-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Juste de Beauvau, prince de Beauvau-Craon.

Je viens de lire, Monseigneur, la Lettre dont vous avez honoré Monsieur De Varicourt, datée de Paris du 13e 9bre.
Il l'a envoiée à sa fille, ne pouvant l'aporter lui même; car un pauvre gentilhomme n'a pas toujours des chevaux pour aller à trois lieues.

Je vois que nous ne nous sommes pas entendus lui et moi dans les Lettres dont nous vous avons fatigué inutilement. Lorsque j'eus d'abord l'honneur de vous mander que Mr De Villette ne voulait point épouser la fille d'un simple maréchal des logis, la chose était ainsi, et nous pensions Mr De Varicourt et moi que sans vos extrêmes bontés ce mariage était manqué. Ce fut alors que ce brave officier qui est un père tendre, hazarda de vous demander un grade. Mais dès le lendemain nous fimes sentir à Mr De Villette qu'il n'avait pas besoin de ce grade de son beaupère pour épouser la fille d'un gentilhomme servant sous vos ordres. Les charmes de Madlle De Varicourt firent le reste. Le mariage s'accomplit chez moi; et alors je crus que vous pouriez faire l'honneur à un officier que vous protègez, et qui sert sous vôtre commandement, de signer au contract de mariage de sa fille. C'est une galanterie que je voulais lui faire. Le contract est encor au Controlle des notaires, et on doit me l'aporter incessamment. Mon empressement était d'autant plus pardonnable que j'avais fait la noce; Le contract avait été signé dans ma chambre, et la bénédiction nuptiale donnée dans mon église. J'étais flatté d'ajouter au bonheur d'avoir fait deux heureux le plaisir de leur présenter leur contract honoré de vôtre aprobation.

Permettez que je vous renouvelle le respect et l'attachement avec lequel je serai jusqu'au dernier moment de ma vie

Monseigneur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire