Le 19 9bre 1777
Il y a un siècle, Mon cher neveu, que je ne vous ai écrit.
Je sais que vous ètes toujours à Ornois mais il faudra bien que vous quittiez cet hiver ce séjour champêtre. Je sais que vous ètes rétabli, mais que madame Dornois est un peu incomodée, quoiqu'elle soit toujours nourice. Il faut qu'elle se ménage, dites lui je vous prie que je serais enchantée de la voir cet été si vous pouvez arriver jusqu'à nous. Dites lui bien que je L'aime tendrement, que son caractère me parait charmant, et que plus je La verrai, plus je l'aimerai. J'espère que vous partagerez tous deux ma joie, nous marions mdlle De Varicourt à Mr le marquis de Villette. Il vint il y a environ six semaines icy sans se douter de rien. L'envie de se lier plus intimement avec nous, Les charmes et le caractère aimable de belle et Bonne, car c'est ainsi que nous la nommons, l'ont séduit au point de nous la demander en mariage; il nous à dit très ingénuement qu'il avait été un vaurien, un roué, mais qu'il voulait devenir sage et qu'il n'y avait que nous, et belle et Bonne qui pussent faire ce miracle. Il est excédé d'ennui de la vie qu'il à mené jusqu'à présent, il veut finir par vivre en sage. Mon oncle l'aime fort, il lui plait, il l'amuse. Son caractère est naturellement doux mais faible et c'est ce qui l'entrenait sans cesse dans des société dont il n'avait pas la force de se tirer. Belle et Bonne est devenue Charmante et est très capable de le captiver. Il lui fait une fortune brillante, il l'aprend avec rien et dit sans cesse qu'il est trop heureux d'avoir trouvé ce petit trésor. J'espère qu'ils seront mariés le quinze ou le seize de ce mois, nous n'attendons que les Bans que l'on publie à Paris pour consommer ce mariage. Ma santé a été bien mauvaise ce printems. J'ai passé mai, juin et juillet à tousser. Le mois d'auguste m'a rendu à la vie et je passe très bien mon automne. Vous me trouverez bien portante si vous venez cet été. Apropos mon cher ami j'ai toujours oublié de me justifier sur le compte de Floriannais. Vous me mandez dans une de vos Lettres qu'on vous a dit que j'en avais très mauvaise opinion. Je ne sçais qu'est ce qui à pû vous faire un pareil rapport, je n'en ai parlé qu'à mon frére et je me souviens très bien de Ce que je lui en ai dit. Je lui ai trouvé toujours de l'esprit. Il était encor enfant la dernière fois que je l'ai vu, mais il était ce qu'il devait être. Son caractère m'a toujours paru bon. Je l'aime fort, je serais fort aise de le revoir. Son oncle ne m'en a jamais dit que du bien. Je souhaite que le neveu parle aussi bien de L'oncle, il lui doit certainement de la reconnoissance, il l'a élevé, l'a placé, Lui a donné le peu qu'il put, et je crois Floriannais trop bien né pour ne pas sentir qu'il doit pallier les défauts de son oncle s'il lui en trouve. Voilà ma confession de foi. Tous les gens qui vous ont dit le contraire ont tort et ne disent pas la vérité.
Adieu, je vous aime Mon cher neveu de tout mon coeur et vous embrasse tendrement.
Comme j'avais fermé cette Lettre les bans de Mr le marquis de Villette arrivent, ou sont arrivés. J'ai voulu attendre à vous l'envoier que le mariage soit fait. Nous Les avons mariés hier soir à minuit. Il y a des gens qui aiment à fronder et qui trouvèront encor à redire à Ce mariage. Mais songez qu'une fille qui n'a rien qui trouve un homme qui veut se joindre à elle pour mener une vie toute diférente de celle qu'il a mené jusqu'à présent, qui est puissamment riche et fort amoureux est un parti excellent, unique pour elle, et qu'il ne fallait pas manquer. Mr Devillette est très aimable, a le caractère fort doux et toutes ses folies ne sont venues que de ce que ce caractère est faible. Sa femme lui fera mener une toute autre vie et je ne doute pas qu'ils ne soient tous deux très heureux.
Adieu encor une fois, écrivez moi, et mandez moi ce que vous faites. Mon oncle est toujours àpeuprès dans le même état où vous l'avez vu, il travaille plus que jamais, il vient encor de faire deux tragédies dont il y en a une très intéressante et que je suis sûre qu'elle aura un grand succés en cas qu'on la joue, ou je serais bien trompée.
Denis