1777-11-15, de Charles Augustin Feriol, comte d'Argental à Jacques Joseph Marie Decroix.

Je vous rends bien des grâces, Monsieur, de l'attention que vous avés eu de m'envoyer la copie de la prétendue lettre de Mr de Voltaire.
Elle est vraye quand au fond, il l'est aussi qu'il lui est échapé, dans sa colère, quelques termes d'indignation, mais non des injures aussi grossières que celles qu'on lui prête, cette lettre d'ailleurs étoit de confiance à un ami et nullement faite pour devenir publique. Je me plaindrois si le journal en question en valoit la peine mais son obscurité le garantit de tout reproche.

Permettés moi Monsieur de vous rappeller, que vous m'aviés fait espérer une copie d'Eriphile, et le moien d'avoir le nouvel ouvrage en prose de mr de Voltaire, quand à la copie si vous n'avés pas l'occasion de quelque voyageur, vous pourrés, pour épargner le port la mettre à mon adresse sous le couvecle de mr de Vayne ou de mr de la Reiniere, et à l'égard du nouvel ouvrage vous aurés la bonté de m'indiquer à quel libraire correspondant je pourrai m'adresser pour l'avoir.

Votre remarque est juste sur Agatocle mais ce n'est plus de cette pièce dont il est question, mr de Voltaire m'en a envoyé une autre à la quelle il donne, avec raison, la préférence attendu qu'il y a beaucoup plus d'intérêt. C'est Alexis qu'il avoit mis d'abord en trois actes et qui est àprésent en cinq. Agatocle dormira et au retour de mr de Duras Alexis sera mis sous sa protection et on la jouera le plutôt qu'il sera possible. Je ne manquerai pas de vous informer de son succès, je suis très aise d'avoir fait connoissance avec quelqun dont les sentiments pour le grand homme s'accordent si fort avec les miens. Tout mon regret est que nous n'habitions pas la même ville et d'être réduit à ne vous assurer que par lettre de l'estime et de l'attachement avec les quels j'ai l'honneur d'être Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur

D'Argental