4e juin 1777
Je suis bien sensible, monsieur, à la bonté avec laquelle vous vous êtes souvenu de moi, car je pense souvent à vous, et à l'homme unique avec lequel vous avez travaillé, et dont vous serez toujours l'ami.
Mon âge et mes maladies me forcent de renoncer un peu au monde; mais je regretterai toujours de n'avoir pu vivre avec un homme de votre mérite; et je serai bien fâché de mourir sans avoir eu la consolation de vous embrasser.
Des gens qui se croient bien instruits et qui peut-être ne le sont point du tout, me disent qu'un homme chez qui vous avez été à la campagne il y a quelque temps, sera bientôt aussi puissant dans la ville qu'il y est aimé et respecté. Je souhaite passionnément que cette prédiction soit véritable; mais c'est à condition qu'il en arrive autant à votre autre ami. Je crois que la France ne s'en trouverait pas plus mal si ces deux hommes là étaient à leur véritable place.
Je ne sais si vous avez lu l'Eloge de Pascal, avec ses Pensées, mises en meilleur ordre, et relevées par des notes qui valent bien le texte. L'éditeur est ce me semble un homme égal à Pascal pour le génie, et supérieur par la raison. Il est triste, à mon gré, pour le genre humain, qu'un homme comme Pascal ait été un fanatique. Ce qui me console c'est que st Augustin l'était tout autant.
Je m'aperçois que mon petit billet est un peu indiscret, mais je n'écris pas à un docteur de Sorbonne.
V.