30e avril 1777
Mon très aimable seigneur suisse, le vieux malade qui se meurt sur les frontières de la Suisse, vous remercie de votre lettre du mardi 22e avril. Il a ri comme un fou des Horaces et des Curiaces, quoique son état ne lui donne pas envie de rire; mais il pleure cette pauvre philosophie qu'on persécute si cruellement.
J'ai lu les six volumes de Noailles-Millot. Je vous avoue que j'avais déjà été un peu fâché pour le duc de Bourgogne, qu'il eût écrit à made de Maintenon contre le duc de Vandôme, et qu'il se fût amusé à détraquer une montre avant la bataille d'Oudenarde. J'aime mieux le marquis de Villette qui veut bien commander une montre de Ferney. Il n'a qu'à me donner ses ordres. La veut il avec des diamants au poussoir, au bouton et aux aiguilles? la veut il à secondes? Il sera servi sur le champ. Vous savez combien je l'aime. Je suis enchanté qu'il ne m'ait pas oublié.
On dit que j'ai eu une attaque d'apoplexie. Ce sont mes ennemis qui font courir ces mauvais bruits. J'avoue pourtant que j'ai eu un accident qui lui ressemblait fort. Cela est fort ridicule à un homme aussi maigre que moi, mais il faut que je passe par toutes les épreuves. Ce petit avertissement me dit que je ne vous suis pas attaché encore pour longtemps, mais ce sera avec la plus respectueuse tendresse.