30e Mars 1777, à Ferney
Monseigneur,
Dans l'état un peu fâcheux où la nature vient de me réduire c'est une grande consolation pour moi d'être au moins capable de regarder le monument que vous venez d'ériger à la gloire de feu Monsieur le maréchal votre père et à la vôtre.
Votre maison est chère à la nation. Je lui ai été bien respectueusement attaché. Un petit avertissement que j'ay reçu ces jours ci de venir faire ma cour à vos ancêtres m'a laissé assez de force pour lire le livre le plus intéressant, le plus vrai et le plus plein, qu'on ait écrit sur les règnes de Louis 14 et de Louis 15. Ce qui m'a fait le plus de plaisir c'est que j'ai cru y découvrir beaucoup de traits qui ne peuvent être que de vous.
Cet ouvrage doit instruire les citoiens et les rois.
Je ne puis Monseigneur vous exprimer les remerciments que je vous dois. Je me suis mélé autrefois de célébrer des héros mais je vois bien qu'il n'apartient qu'aux maitres de parler de leur profession. Après avoir lu vos mémoires je n'ai autre chose à faire qu'à les relire. Ils feront mon occupation pour le peu de temps que j'ay encor à vivre. Je vous souhaitte du fond de mon cœur une vie plus longue que celle du grand homme dont vous avez les dignitez et le mérite. Apeine ai-je eu le bonheur de vous faire ma cour. C'est une consolation à la quelle il faut que je renonce mais je serai pénétré jusqu'à mon dernier moment de l'honneur et du plaisir que vous daigné me faire.
Je suis avec un profond respect, et une juste reconnaissance
Monseign.
V.