1777-02-16, de Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher et illustre maitre, Je vous envoie ce petit éloge de le Seur que vous avez paru désirer, mais c'est par pure obéissance que je vous présente une pareille misère.

Vous recevrez aussi un éxemplaire des remontrances du Parlement Contre M. Turgot. Vous n'avez pas besoin de cette pièce pour Connaitre toute La turpitude de ces messieurs: mais elle est assez curieuse par son absurdité pour que vous soyez bien aise de la lire.

Nous n'avons ici rien de nouveau. Nos sotises et notre honte vont toujours croissant, le genevois emprunte de tous Côtés, le garde des sceaux empêche le plus qu'il peut d'imprimer des choses raisonables, M. de Maurepas se joint à eux deux pour corrompre le roi Le plus qu'il est en eux, et ils tâchent de ne Lui épargner aucun des vices dont sa Constitution le rend susceptible.

Le cardinal de La Rocheaimon va mourir, c'est un fripon et un hipocrite de moins. Il sera remplacé par l'évêque d'Autun, qui est un home honête et si peu fait pour le reste du ministère que je regarderai Come un miracle s'il peut y rester.

M. de St Germain et L'Archevêque ont voulu établir une comunauté d'ex jesuites, la 3e chambre des enquêtes ne L'a point voulu, et l'a emporté.

Toute La canaille qui nous domine se fait une guerre sourde. Elle ne tardera pas à éclater mais qu'importe? Le peuple paiera toujours les frais de La Guerre.

Adieu, je vous embrasse et vous aime bien tendrement. Me Suard vous remercie de La lettre charmante que vous lui avez écrite, et je dois vous en remercier encore plus. Je serais glorieux de tout ce que vous daignez dire de moi, si je ne croiais que votre amitié, et mon zèle pour La bonne cause exagèrent à vos yeux le peu que je vaux.