1759-08-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

Connaissez vous mon cher philosophe un Simeon La Valette ou Simeon Vallette ou Simont Valet.
le quel le quel fait des lignes courbes et de petits vers. Il se renomme de vous, mais j'ay perdu sa lettre. Je ne sçais où la prendre. Où est il? et quel homme est ce?

Que dites vous de Maupertui mort entre deux capucins? Il était malade depuis longtemps d'une réplétion d'orgueuil, mais je ne le croiais ny hipocrite ny imbécille.

Je ne vous conseille pas d'aller jamais remplir sa place à Berlin. Vous vous en repentiriez. Je suis Astolphe qui avertit Roger de ne se pas fier à l'enchanteresse Alcine, mais Roger ne le crut pas.

Votre livre est charmant, il fait mes délices, au point que je vous pardonne d'avoir vu des prêtres à Geneve.

Je mène tous ces faquins là assez bon train. J'ay un châtau à la porte du quel il y a quatre jésuittes. Ils m'ont abandonné frère Bertier, je leur fais de petits plaisirs et ils me disent la messe quand je veux bien l'entendre. Mes curez reçoivent mes ordres, et les prédicants genevois n'osent me regarder en face. Je brave mr Catbrée autant que je le méprise, et je plains Diderot d'être à Paris.

Touttes les lettres de Vienne disent le marquis de Brandebourg écrasé, quelques lettres de Saxe le disent vainqueur et je ne crois ny l'un ny l'autre. Vous savez qu'il faut peu croire. Soyez pourtant certain que L'oncle et la nièce vous aiment de tout leur cœur. Point de Philosophie sans amitié.

V.