Je ne puis trop vous remercier du mémoire que vous avez eu la bonté de m'envoyer.
Il me paraît excellent pour le fond & pour la forme. Le commencement est plein d'une éloquence touchante, & la fin paraît d'une raison convaincante. Mais vos clients ont à combattre un ennemi bien plus fort que la raison & l'éloquence, c'est l'intérêt; & ce qu'il y a de pis, c'est que cet intérêt est mal entendu. Il est certain que les moines chanoines de Saint-Claude pourraient gagner bien davantage avec de bons fermiers qu'avec des esclaves.a Mais ni les moines, ni les seigneurs séculiers qui les imitent, ni les juges qui on tous des mainmortables, ne veulent renoncer à leur tyrannie. Les uns la croient de droit divin; les autres, de droit naturel.a Je ne verrai point la fin de ce procès, je vais incessamment dans un pays où on ne trouve ni esclaves ni tyrans.
J'ai l'honneur d'être, avec l'estime respectueuse que je vous dois,
Monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
Ce 9 janvier 1777, à Ferney