21 may [1761]
Mes anges mon noble couroux contre mtre le Dain et consors, commence à s'appaiser un peu puisque mtre Loyola a eu sur les doits, mais cette noble colère renait contre tout prêtre à l'occasion d'un beau procez qu'on me fait pour des murs de cimetierre.
Je bâtissais une jolie église dans un désert. Je n'essuie que des chicanes affreuses pour prix de mes bienfaits. Ce qu'il y a de pis c'est que cet abominable procez me fait perdre mon temps, trésor plus prétieux que l'argent qu'il me coûte. Adieu le Czar, adieu l'histoire générale, et tragédie et comédie et amusements de la campagne, et défrichements. Il faut combattre; et je suis très malade. Voilà mon état.
Je vous enverrai pourtant mes divins anges ce droit du seigneur, ou l'éceuil du sage. Mais voicy ce qui m'est arrivé. J'en avais deux copies, on a fait partir deux seconds actes au lieu du premier et du second, dans le paquet destiné à celuy qui doit faire présenter cet anonime; dès que la méprise sera réparée et qu'un de mes seconds actes sera revenu vous aurez les cinq. Mais hélas àprésent je ne suis ny plaisant ny touchant; je ne suis que Mr Chicanau. Voilà une triste fin. Il valait mieux mourir d'une tragédie que d'un procez.
Priez dieu, mes anges gardiens pour que j'aye assez de tête pour soutenir tout cela. Il me semble qu'il faut de la santé pour avoir l'esprit courageux. Mon cœur ne se ressent point de mon état; il est plus à vous que jamais.