1776-11-28, de Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher et illustre maitre, Je vous demande vos bontés pour le journal de feu Linguet.
Vous avez dû y voir Avec quel zèle M. de Laharpe y défend La cause du bon goût et de La raison. Je voudrais que dans une Lettre ostensible vous voulussiez bien dire de ce journal ce que vous en pensez. Votre sufrage vaudra beaucoup de souscriptions. Vous ferez grand plaisir à M. de La Harpe qui vous est tendrement attaché; et nous ne vous demandons au nom de La littérature française que quelques lignes de prose. Nous ne somes pas si difficiles que Me de L'enveloppe, à qui il faut des vers. Je les ai vus enfin: c'est Caton qui me les a envoiés; M. de L'Enveloppe n'a pas trouvé L'encens assez fort pour les montrer.

J'ai bien peur que nous ne nous battions bientôt pour les déserts que les Espagnols et les Portugais disputent aux chacals du Bresil. Depuis le mois de mai je fais des efforts pour prendre toutes ces choses-là en patience. J'en suis encore Loin mais cela viendra. Adieu, je vous embrasse et je vous aimerai toujours, pour qui que vous fassiez des vers. Taillez votre plume. L'enveloppe se prépare à nous donner dans Notre dame le Spectacle d'une belle abjuration; il ne veut plus rien avoir de Commun avec Rosni.