A Fernei 20 avril 1776
Monseigneur,
Mon destin est donc de vous lutiner tant que j'aurai un souffle de vie; mais, en osant vous importuner, je suis encore discret.
Je vous supplie seulement de daigner faire joindre ce certificat du curé de Gex aux autres paperasses que j'ai eu l'honneur de vous adresser.
On prétend d'ailleurs que vous nous avez promis deux mille huit cents minots de sel, de la part de messieurs les soixante. Tout le monde nous le dit, excepté vous. Je vous répète: si sal evanuerit, in quo saleitur?
Mais voici une affaire plus importante: il s'agit de comédie. Vous n'y allez point, et vous avez tort: car Cicéron et Caton, vos devanciers, y allaient. Vous avez disposé du spectacle de Lyon, et tout Lyon assure que je dois vous en écrire en qualité de membre du tripot. On dit que c'est à moi de vous représenter les droits et le malheur de made Lobreau; que mon métier est d'être l'avocat des actrices et des directrices; qu'un vieux prêtre doit prier les saints pour son église; que c'est à moi de vous fléchir pour made Lobreau. J'avais même quatre grandes pages de remontrances à mettre à vos pieds, mais dieu m'en garde!
Il faut que le vieux malade de Fernei se borne à remontrer son profond respect et sa reconnaissance, et par ma foi! son admiration.
V.