18 8bre 1776, à Ferney
Messieurs,
Je vous conjure de m'accorder un peu de secours et de justice dans le triste état où je suis.
Vous pouvez écrire à monseigr le duc de Virtemberg et lui représenter ma déplorable situation. Il peut aisément vous faire toucher de l'argent pour me payer. Il est juste, il est bienfaisant, il ne voudra pas absolument abandonner un vieillard qui ne se trouve actuellement persécuté par ses créanciers que pour l'avoir servi.
Si, tout souverain qu'il est, trente mille francs lui paraissent une somme trop forte, je le supplie qu'il vous en fasse du moins donner vingt mille pour le quinze de novembre.
Je vendrai ma vaisselle d'argent et quelques bijoux pour compléter le reste de ce que je dois. Monseigneur en me faisant cette justice et en m'accordant cette bonté me sauvera du précipice. Je vous prie même, messieurs, de lui envoyer cette lettre que je vous écris dans l'excès de ma douleur. Je vous aurai une obligation infinie et je regarderai, monseigneur, comme un bienfaiteur à qui je dois être dévoué tous les moments qui me restent à vivre. J'ai l'honneur d'être avec respect.
Voltaire