18e 8bre 1776
Il y a toujours dans vos lettres, mon respectable philosophe, de petits mots qui donnent à penser pendant des années entières.
Le galimatias phisique de Monsieur le comte, me fait faire de profondes réflexions sur les réputations, et sur l'adresse qu'on a eue de se faire passer pour un esprit supérieur, quand on a donné au public les dimensions de la queue d'un singe, et la manière dont l'univers a été formé.
L'autre charlatan qui sans connaître Gilles Shakespear veut nous le faire adorer, et qui a formé une grande cabale à la cour pour empêcher qu'on ne se moquât de lui, n'est pas moins ridicule; mais il n'a pas été si heureux.
Vous me parlez de ces sauvages qui comptent jusqu'à trois. Hélas je sais bien qu'on ne leur aprendra jamais que deux et deux font quatre. Il y a parmi ces barbares une foule de polissons de bonne foi, qui m'assassinent continuellement de Lettres anonimes telles que frère Garasse en aurait écrit à Théophile.
J'ai lu comme vous le commentaire des aumôniers. Je ne m'étonne pas qu'ils se soient dégoûtés de leur travail, car en vérité le sujet est horriblement dégoûtant, et ceux que leur intérêt attache au texte sont horriblement fripons.
J'avais toujours cru que c'était une étrangère qui avait imaginé le squelette en marbre, et je l'avais cru parce qu'on me l'avait fait croire.
Le grand homme qui lit L'Arioste a bien raison; il vaut mieux voiager avec Astolphe dans la Lune que de s'obstiner à faire du bien malgré certaines gens, ce qui était en éffet vouloir prendre la lune avec les dents. Je souffre beaucoup à cause de ce juste. Sa patrie ne le méritait pas.
Continuez à faire honneur à cette patrie, qui ne le mérite guères, et conservez moi un peu d'amitié, je vous en prie, elle me console sur la fin d'une vie un peu orageuse.