le 6 octobre 1776
J'avoue que je suis un peu piqué de m'être laissé attraper par m. de Copponet; mais pouvais je me méfier de quelqu'un que je croyais m'être recommandé par vous?
Sans doute il vous a escroqué cette recommandation, comme à moi mes dix louis; ou, ce qui est plus vraisemblable, il a contrefait l'écriture de monsieur votre secrétaire. Je vous renvoie la lettre qu'il m'a présentée, afin que vous me fassiez la grâce de me dire si elle est vraie. Sur ce titre, je dois lui savoir gré d'avoir été si discret en abusant si peu de l'avantage qu'il lui donnait sur moi. Il aurait pû enfoncer jusqu'à la garde et j'aurais toujours dit Pœte non dolet. Je ne renonce pas tout à fait cependant à ma petite somme, et à tout événement je remets à messieurs Detournes, Lullin, le billet de cet aventurier. Il a un nom et une terre, c'en est bien assez pour avoir des dettes et ne pas les payer; mais cela laisse quelques ressources dont on peut profiter. Je suis surpris que m. de Luchet vous ait laissé ignorer qu'il est l'auteur de la vie des quatre frères Paris; on voit bien qu'il tire sa modestie de ce qui pourrait rendre tant d'autres hommes si vains. Comme il ne m'a pas demandé le secret, ce n'est pas le trahir, et l'estime que vous faites de l'ouvrage serait une bonne excuse pour moi auprès de lui, si j'en avais besoin. C'est me venger bien noblement de ma petite rancune contre sa trop obligeante dédicace3 qu'il m'avait promis de ne point faire imprimer et j'avais cru devoir l'exiger pour faire le sacrifice de mon amour propre au sien.