1776-09-04, de Dominique Audibert à Voltaire [François Marie Arouet].

Il y a environ un mois que m. de Copponet me fit l'honneur de me présenter une lettre de recommandation de votre part, datée du mois d'octobre de l'année dernière; je lui offris avec empressement mes bons offices pendant son séjour en cette ville.
Il me fit part des obstacles qui avaient retardé son arrivée et qui s'opposaient à son premier projet, et comme il se disposait à retourner incessamment à Genève, je l'engageai à venir chez moi le lendemain. Il me le promit: quelques jours se passèrent sans qu'il parût nulle part; je le croyais parti, lorsque j'appris que, sur un faux signalement, il avait eu le malheur d'être arrêté. Au moment où je m'intriguais pour lui être utile, je fus agréablement surpris de le rencontrer dans la rue; il me conta sa triste aventure qui avait été occasionnée par la plus cruelle méprise; il me dit avoir eu l'honneur de vous le mander, et il me pria de lui fournir quelque argent pour son voyage jusqu'à Lyon où il était fort pressé de se rendre. Je lui comptai tout de suite 240 livres et il me donna l'assignation incluse sur vous; je vous serai obligé de faire compter cette somme à mm. Detournes, Lullin et Masbon, de Genève, tout autant néanmoins qu'elle vous sera remise ou que vous aurez la certitude d'en être payé; car je ne voudrais en aucune manière, monsieur, que ce petit service qui a été volontaire de ma part pût vous être à charge, puisque votre recommandation auprès de moi ne portait aucun crédit. Mais je vous avoue que sa situation, et l'idée que j'ai dû prendre de lui sur l'intérêt qu'il vous a inspiré, ne m'ont pas permis de me refuser à sa demande, et quoi qu'il en puisse être, ce sera toujours une occasion très intéressante pour moi, puisqu'elle m'aura fourni l'avantage de vous prouver mon zèle, etc.