1770-03-06, de François Louis Claude Marin à Jean Baptiste Antoine Suard.

Monsieur,

Vous savés que M. De Sartine a été malade, et dans tout ce tems il n'a pu signer aucune expédition excepté des lettres pressées.
Je n'ai pu par conséquent lui présenter le Dépositaire. Il est descendu pour la première fois aujourd'hui, et je lui ai envoié tout de suite cette pièce.

Nous avions fait à la lecture beaucoup d'observations aux qu'elles on n'a pas touché et je les ai répétées en marge. La remarque la plus essentielle est L'aventure de Gourville L'ainé chés Made Ognan. Il ne me paroit pas possible de la passer au théâtre quoiqu'elle soit très plaisament écrite. Il faudroit se contenter de le faire enivrer et que dans son ivresse il insultât Made Ognan et que le mari venant lui donnât un soufflet et le reste.

Quelques corrections qu'on fasse, vous verrés, Monsieur, que les prêtres crieront toujours. Ils sont toujours affectés de ce qui les touche de près ou de loin, et ils croiront que c'est La dévotion qu'on Joüe. J'aime M. De Voltaire plus que persone, mais il faut prendre des mesures pour ne pas se faire des affaires pour lui. On est aujourd'hui si difficile qu'on ne sait plus sur quoi compter.

M. De Sartine consulte ordinairement encore un magistrat du Chatelet qui est en possession de lire les pièces nouvelles, et nous verrons ce qu'il dira.

Au surplus La pièce est approuvée à quelques légères corrections près dont J'ai eu L'honneur de vous prévenir et sur les quelles J'avois écrit à M. Le Kain.

J'ai L'honneur d'être avec un Respect profond

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Marin