1776-06-01, de Frederick II, landgrave of Hesse-Cassel à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Vous flattez singulièrement mon amour propre par l'approbation obligeante que vous voulez bien donner aux Pensées diverses sur les princes.
Je la dois cette approbation à votre amitié pour moi, qui m'est si chère, et non au mérite de l'ouvrage. Je n'ai fait qu'y tracer les sentiments de mon cœur, joints à un peu d'expérience. Que ne suis je à portée, mon cher ami, de vous voir souvent pour puiser dans votre conversation les principes difficiles de l'art de conduire les hommes, et de leur faire envisager que tout ce que l'on fait est pour leur propre bien!

Plus je connais m. de Luchet et plus je l'estime. Quel charme dans la conversation! Quelles idées nettes! Il s'exprime avec la plus grande facilité et précision. Je l'ai fait directeur de mes spectacles, et l'on dirait qu'il est fait exprès pour cette place.

La France perd beaucoup dans les deux ministres qui ont donné leur démission. Ils étaient philosophes, et cela est rare. Il me semble que l'on fait mal, à moins d'une nécessité absolue, de changer souvent de ministres. L'on perd trop à l'apprentissage. Les regards des politiques sont tournés vers l'Amérique. J'y ai aussi envoyé douze mille hommes qui contribueront, à ce que j'espère, à faire rentrer les rebelles dans leur devoir. Le pays est beau, mais le trajet par mer est fort long.

Conservez moi toujours votre amitié, étant pour le reste de ma vie avec l'estime la plus sincère.

monsieur,

votre, &c.

Frederic