1776-09-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Louis Claude Marin.

J'ai lu, Monsieur de Lampedouse, près d'un quart de vôtre lettre.
Pour les trois autres quarts je crois qu'il n'y a point de Drogman dans le monde qui puisse les déchifrer. Je vous fais mon compliment sur l'avanture du brave cocher Gilbert; il n'a pas été élevé assez haut en dignité. On peut présumer que s'il avait été pendu, il aurait pu rendre gloire à la vérité sur le dernier échellon, et déveloper toute l'intrigue des Dujonquais et des avocats qui les ont aidés dans cette abominable affaire.

On vous mande que Mr De Beaumarchais triomphe, qu'il est favori à Versailles, très fêté de tout le monde à Paris, et bien récompensé à la cour des services qu'il a rendus en Angleterre.

Il n'en est pas de même de vôtre ami, on le dit entièrement écrasé; c'est dommage, sa gloire et sa fortune auraient été bien grandes s'il avait sçu plier aussi bien qu'il avait sçu se battre. Vous êtes sage, vous avez sçu vous retirer dans le port pendant la tempête. Je mourrai bientôt dans le port où je suis depuis vingt cinq ans. Mais dans quel autre portirons nous? Adieu, bon voiage.

V.