1757-08-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Je serais bien mortifié mon cher monsieur si Monsieur de Richelieu était assez malheureux pour être nommé à la place du maréchal Detrée qui, après des marches à la Fabius, vient de gagner une batailleà la Scipion.
Une telle démarche rendrait le gouvernement et le mal de Richelieu également odieux, et il n'aurait rien de mieux à faire qu'à embrasser le maréchal Detrée, le féliciter, servir sous luy deux jours, remercier le roy et s'en retourner. Mais heureusement je crois M. de Richelieu destiné ailleurs

On me mande de l'armée de Boheme qu'on croit le roy de Prusse perdu sans ressource, mais il y en jusqu'au dernier coup à cet abominable lansquenet de la guerre.

Je vous remercie de vos bontez pour ce petit Pichon. Je ne savais pas qu'il eût l'honneur de s'appeler Mathieu en son nom de batême. Son père l'a inscrit sur le registre de la diligence sous ce beau nom de Mathieu tout court. Il est party le 28 recommandé au cocher, et doit être arrivé le 2 d'aoust si je ne me trompe. Je présume que Mr son père, étant cocher, aura obtenu toutte la bienveillance du cocher du coche.

Oserais-je monsieur vous prier de vouloir bien envoyer à cette diligence pour savoir ce qu'est devenu ce pauvre petit Mathieu?

On dit que Louisbourg est bloqué par l'amiral Oborn. Puissent tous ces amiraux être au fonds de la mer et que les fonds de la compagnie subsistent. Bonsoir mon très cher correspondant.

V.