1776-09-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Antoine de Caraccioli.

J'ai été, Monsieur, fort étonné d'avoir l'honneur de recevoir de vous une Lettre non cachetée dans un paquet contresigné par M. Le Baron d'Ogny.
Je prends la liberté de lui adresser ma réponse.

Je vous dirai d'abord que j'ai été très-fâché qu'on ait imprimé une Lettre de moi, où il étoit question de vous. Il eût fallu que l'Editeur vous en eût demandé la permission. Mais il y a long-tems que je suis accoûtumé à ces désagréments.

Il est très-vrai qu'on m'avoit dit qu'un habitant de la Tourraine avoit pris votre nom pour donner les Lettres de feu Pape. Quelle que soit votre pâtrie, soit la France, soit l'Italie, il est certain que vous lui faites beaucoup d'honneur.

Il m'a parû que les Lettres attribuées au Pape Ganganelli ne pouvoient être de lui. Aureste, quelque soit l'Auteur, elles sont d'un homme de beaucoup d'esprit.

Quant à la prétendue Veuve de l'infortuné Czarovitz, fils de Pierre Le Grand, Elle a passé quelques jours chez moi cet Eté, et on lui bâtit actuellement auprès de mon château, une Maison qui probablement ne sera point achevée.

Soyez très-sûr, Monsieur, qu'Elle n'est pas plus arrière-Grand-Tante de la Reine, que le faux Demetrius n'étoit successeur légitime au trône de Russie.

Je suis très-flatté que toutes ces petites méprises m'ayent procuré l'honneur d'écrire à un homme de votre mérite.

J'ai celui d'être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, Votre très-humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilhome orde du Roi