à Ferney 14e janv: 1776
Monsieur,
Les têtes de l'hydre se multiplient, quoique le monstre soit chassé de nôtre païs.
Je ne vois que des gens qui viennent se lamenter d'avoir été arrêtés vers le pont de Bellegarde et vers Mijoux. L'un dit, on m'a saisi mon bled, l'autre mon veau, mon beure, mes œufs; un troisième crie qu'il ne poura plus faire passer du bois et du charbon. Les gens de Lellex se plaignent de n'avoir point de sel et ne savent où en prendre.
Cette communauté de Lellex prétend toujours être de nôtre païs.
Voudriez vous, Monsieur, me mettre au fait et me donner des instructions par lesquelles je pourai implorer la bonté et la justice de M: Turgot en faveur de nôtre petite province?
Je présume que le parlement de Dijon veut modifier la déclaration du Roi, puisque vous ne l'avez pas encor reçue. Je suis toujours à vos ordres.
J'ai l'honneur d'être avec un attachement respectueux
Monsieur,
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire