1776-01-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean de Vaines.

Il faut, monsieur, que je vous interrompe un moment.
Il faut absolument que je vous dise au nom de dix à douze mille hommes, combien nous avons d'obligations à m. Turgot, à quel point son nom nous est cher, et dans quelle ivresse de joie nage notre petite province. Je ne doute pas que ce petit essai de liberté et d'impôt territorial, ne prépare de loin de plus grands événements. La plus petite province du royaume ne sera pas sans doute la seule heureuse. Je sais bien qu'il y a de fameux déprédateurs qui redoutent la vertu éclairée. Je sais que des fripons murmurent contre le bonheur public, qu'ils se font écouter par leurs parasites; ils crient que tout est perdu si jamais le peuple est soulagé et le roi plus riche. Mais j'espère tout de la fermeté du roi, qui soutiendra son ministre contre une cabale odieuse. Il a déjà confondu cette cabale quand il a répondu à ses libelles, en vous nommant son lecteur. Vous ne pourrez jamais lui faire lire un meilleur ouvrage que ceux auxquels vous travaillez sous les yeux de m. Turgot.

Conservez un peu de bienveillance pour votre très humble et très obéissant serviteur

le vieux malade V.