A Fernei 12 décembre 1775
Monsieur,
Je ne vous avais point trompé quand je me flattais que votre bulle serait acceptée purement et simplement, avec une reconnaissance respectueuse et unanime: vous y verrez ces propres mots dans la copie collationnée du registre de nos états que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux.
Vous tirez, monsieur, une province annexée au royaume par Henri IV, de l'esclavage, de la misère et de la nécessité cruelle de s'exposer continuellement aux peines portées contre une contrebande sans laquelle il lui était absolument impossible de subsister. Les employés des fermes faisaient eux mêmes cette contrebande ou vexaient par d'abominables friponneries les habitants qu'ils soupçonnaient d'aller sur leurs marchés. Quoique m. Fabry ait mis dans mes titres que je suis de l'Académie française, je vous assure que je n'ai point de terme pour exprimer le brigandage sous lequel nous gémissions.
Cet essai que fait monsieur le contrôleur général sur une petite province, pourra faire un jour le salut du royaume. Nous ne vous demandons rien aujourd'hui: nous nous bornons à nos actions de grâces. Si Monsieur Turgot veut seulement ordonner que les armées de la ferme soient retirées au premier janvier, nous sommes trop heureux.
Si après cela il daigne engager la ferme à nous relâcher cinq mille francs, je crois que la province, dans les transports de sa joie, les emploiera à boire à sa santé et à la vôtre, attendu que, ayant été Suisses autrefois, nous en conservons encore les bonnes qualités, etca.