1775-12-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Dominique Vivant Denon.
De ce plaisant Calot vous avez le crayon;
Vos vers sont enchanteurs, mais vos dessins burlesques;
Dans votre salle d'Apollon
Pourquoi peignez vous des grotesques?

Si je pouvais, monsieur, mêler des plaintes aux remerciements que je vous dois, je vous supplierais très instamment de ne point laisser courir cette estampe dans le public. Je ne sais pourquoi vous m'avez dessiné en singe estropié, avec une tête penchée et une épaule quatre fois plus haute que l'autre. Fréron et Clément s'égayeront trop sur cette caricature.

Permettez que vous envoie, monsieur, une petite boîte de bouis, doublée d'écaille, faite dans un de nos villages. Vous y verrez une posture honnête et décente et une ressemblance parfaite. C'est un grand malheur de chercher l'extraordinaire et de fuir le naturel, en quelque genre que ce puisse être.

Je vous demande bien pardon. J'ai dû, non seulement vous dire librement ma pensée, mais celle de tous ceux qui ont vu cet ouvrage. Je n'en suis pas moins pénétré, monsieur, de l'estime sincère et de la reconnaissance que vous doit votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire