1765-12-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Michel de Villette, marquis Du Plessis-Villette.

J'ouvre une caisse, monsieur, j'y vois, quoi? moi même en personne, dessiné d'une belle main.
Je me souviens très bien que

Ce Danzel, beau comme le jour,
Soutien de l'amoureux empire,
A, dans mon champêtre séjour,
Dessiné le maigre contour
D'un vieux visage à faire rire.
En vérité c'était l'amour
S'amusant à peindre un satyre
Avec les crayons de La Tour.

Il est vrai que dans l'estampe, on me fait terriblement montrer les dents; cela fera soupçonner que j'en ai encore. Je dois au moins en avoir une contre vous de ce que vous avez été tant de temps sans m'écrire.

Bérénice disait à Titus,

Voyez moi plus souvent et ne me donnez rien.

Je pourrais vous dire,

Ecrivez moi souvent, et ne me gravez point.

Mais je suis si flatté de votre galanterie que je ne peux me plaindre du burin.

Je remercie le peintre et je pardonne au graveur. Me Denis, qui ne veut point que je montre ainsi les dents, joint ses remerciements aux miens. On prétend que vous avez des affaires et des procès; qui terre n'a pas souvent a guerre, à plus forte raison qui terra a.

Dii tibi formam,
Dii tibi divitias dederunt, artem que fruendi.

Ajoutez y surtout la santé, et ayez la bonté de m'en dire des nouvelles quand vous n'aurez rien à faire. L'absence ne m'empêchera jamais de m'intéresser à votre bien-être & à vos plaisirs. Si vous êtes dans le tourbillon vous me négligerez, si vous en êtes dehors vous vous souviendrez, monsieur, d'un des plus vrais amis que vous ayez. Vous l'avez dit dans vos vers et je ne vous démentirai jamais.

Votre très humble, &c.

V.