Samedy 21 octobre [1775], à Paris
Monsieur le fondateur de villes,
Je viens de passer trois jours à Montigny chez mr. Trudaine avec nos ministres qui y ont été horriblement ennuyeux car ils ont travaillé 10 heures par jour et on ne les a vus que par intervalles fort courts.
Je n'ai pourtant pas oublié Ferney et mr. le controlleur général m'a chargé de vous dire qu'il s'étoit accordé avec les fermiers généraux pour une indemnité de 30 mille francs. Il a été impossible de transiger à moins. Quand à l'époque à laquelle vous serés débarassé de ces messieurs il vous prie de prendre encore un peu de patience. Peutêtre vous faudra t'il attendre jusqu'au mois de janvier. S'il peut hâter ce moment il ne s'y épargnera pas non plus que mr. Trudaine au nom duquel je vous dis les mèmes choses. Ce dernier m'a taxé auprès de vous d'une négligence dont je ne suis pas coupable en vous disant qu'il m'avoit chargé de vous écrire pour vous expliquer les causes du délai qu'il prenoit pour vous répondre. Lui mème s'étoit chargé de vous écrire et vous croirés plus facilement sans doute qu'un homme en place, accablé d'affaires, aura oublié la vôtre que moi qui n'en ai point de plus intéressante que celle que vous me recommandés. Avec nos ministres nous avions là un autre homme bien fait pour l'être, l'archevêque de Toulouse, que mr. de Vaisnes et moi nous avons confessé sur un point délicat et que nous avons trouvé souverainement raisonnable. Je n'avois pas besoin des conversations que j'ai eües avec lui pour en être convaincu. Nous avons pris nos licences ensemble et je le connois depuis vingtcinq ans, mais je sais qu'on vous en a écrit des choses mal vües. Nôtre ami de la rüe st Dominique laisse encore quelques fois échauffer sa tête et alors il n'est plus difficile en preuves comme il conviendroit à un géomètre de l'être lorsqu'on veut juger en mal un homme d'un caractère bien connu et bien établi. Nous lui avons lavé son bonnet d'importance et nous espérons qu'il sera plus juste à l'avenir. Mr. de Vaisnes doit vous avoir écrit à peu près les mêmes choses à ce sujet mais vous aurés deux témoins pour un. Nous n'avons point encore de ministre de la guerre. Je crois entre nous qu'on peut raisonnablement espérer que celui qu'on nous donnera sera agréable à ceux que nous avons déjà. Je souhaitte Monsieur que vous puissiés jouir longtemps du bien qu'ils feront, vous qui en faites tant vous même. Vous pouvés les en payer en les louant, mais qui vous louera vous même? les monumens éternels que vous laissés. Permettés que madame Denys trouve icy les assurances de mon respect. Je ne vous parle pas mon dévoüement qui durera autant que ma vie.