1775-09-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Louis Claude Marin.

Vous croiez donc, Monsieur, vous être raproché de moi, parce que vous en êtes à cent lieues au sud, aulieu d'en être à cent lieues au nord?
Je n'aurai donc le plaisir de vous voir qu'en cas que les neiges ne soient pas encor tombées sur le mont Jura. Vous êtes comme les courtisans, qui semper serviunt tempori.

Je vous avertis que si en revenant à Paris vous prenez vôtre route par Grenoble, Genêve, Châlons sur Saone, vous abrégez vôtre voiage de vingt lieues. Il est vrai que c'est par intérêt que je vous donne ce bon avis; mais vous me le pardonnerez, s'il vous plait.

Venez soulager un malade, et consoler un ami. Nous avons jusqu'icy un bel automne, et d'ailleurs, quand il neige à Ferney soiez très sûr qu'il neige aussi à Lyon. Vous ne gagneriez rien à me faire une infidélité, ce ne serait qu'une mauvaise action dont je serais très fâché. J'ai la plus grande envie de causer avec vous, et malheureusement je ne peux guères sortir de mon lit. Vous qui êtes ingambe aiez le courage de venir.

V. t. h. o. sr.

V.