1775-09-01, de Paul Claude Moultou à Jakob Heinrich Meister.

M. de Voltaire continue à s'occuper infatigablement de tout ce qui peut contribuer à agrandir, améliorer ce petit endroit, & le rendre plus florissant.
Il profite de son crédit sur l'esprit du nouveau ministère pour réussir; & il vient d'obtenir tout récémment une foire & un marché public. Il fait bâtir actuellement 18 maisons; ce qui fera le nombre de cent environ. Pour lui plaire différentes personnes s'empressent de les acheter. Mad. de Saint-Julien, la femme du receveur général du clergé, s'étant trouvée ici, en a pris une. On dit que m. de Chabanon en prend une autre; m. Hénin, le résident français à Genève, une troisième, &c. Le marché n'est point onéreux; m. de Voltaire les vend à rentes viagères sur sa tête & sur celle de mad. Denis. Quant à la sienne octogénaire, on sent que c'est une condition fort douce: la nièce est plus que sexagénaire, d'ailleurs elle se porte mal, &c.

Le commerce des montres va de mieux en mieux, & m. de Voltaire travaille à l'obtenir absolument libre. Il profite de l'amitié de m. d'Oigny, l'intendant actuel des postes, qui lui a permis de les faire passer à Paris sous son couvert; ce qui les rend à bien meilleur compte, & ne peut qu'en augmenter le débit.

Outre l'utile, le philosophe de Ferney n'oublie pas l'agréable. On travaille à une salle de comédie& à un théâtre public; ce qui va bientôt nous procurer des plaisirs qui amèneront les tristes habitants de Geneve & feront crier les ministres.