à Moscow ce 23 Juillet [3 August n. s.] 1775

Monsieur, Votre portrait peint par Barrat ou tel autre sera le très bien venu, pourvu qu'il soit ressemblant, je le plaçerai non dans un coin mais dans mon palais de Carscoçelo, vis à vis de Votre buste.
Je suis fâché que le peintre Barrat ayant fini Votre portrait n'aye pas eu le tems de tomber ici pendant les fêtes de la paix, la façilité de son pinçeau auroit eu dequoi s'exerçer, et particulièrement mardi passé l'occasion en étoit belle. Pour doner une Cocagne au peuple on a choisi une plaine assés étenduë à laquelle on a imposée le nom de mer Noire et qu'on avoit couverte de Vaisseau, on y arrivoit par deux chemin qu'on avoit nomé l'un le Tanais ou Don, l'autre le Boristene ou Dneper. Ses deux chemin étoit orné de différentes vuë de matairies, Villages, moulins etc: Je Vous envoye un plan de la plaçe, en suivant la carte géographique. Sur des petites colines qui dominent cette plaine on a élevé des salles de bal qu'on a intitulée Kertch et Jenicala, La salle du banquet s'appelle Azoph. A Tangarok on a établi une foire, Kinbourn est un vaste Théâtre, le feu d'Artifice est placé au delà du Danube. Les Cocagnes, fontaines de vins, escarpoletes, danseurs de cordes et autres divertissemens du peuple sont placées là où les Tartares Nogai campent ordinairement. Le reste de la place a été orné d'illuminations et de bâtimens servant de cuisine et pour d'autres usages pour que soixante à cent mille persones puissent trouver tout ce qui leur faut pendant dix à douze heures. Hébien Monsieur tout s'est passé par le plus beau tems du monde sans confusion et avec la plus grande guayeté, pas le moindre petit désastre n'a troublé cette fête j'ose dire charmante. J'aurai voulu y danser avec Vous Monsieur et je suis sûre que Vous l'auriés honorés de Votre suffrage. Je n'ai point de nouvelle encore de la mort de mon Consul à Cadix qui s'appelle Brandebourg. Dès que la nouvelle m'en parviendra je verrai ce que je pourrai faire pour Jean Louis Pettremand, Votre protégé.

Soyés assuré Monsieur de la considération et de l'estime sans fin que j'ai toujour pour Vous.

Caterine