1775-05-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Robert Jacques Turgot.

Monseigneur, malgré vous et vos dents,

Suis je un indiscret d'oser vous présenter un brave officier, un gentilhomme qui sert le roi avec six de ses frères?
Il a malheureusement un beau-père de quatre-vingt-douze ans qui n'a jamais servi que les fermiers généraux. Ce beau-père a, je crois, un procès contre vous, et je pense même qu'il vous offre de l'argent pour payer les frais du procès. On vient souvent à votre audience vous demander de l'argent, et mon homme de quatre-vingt douze ans vient vous en donner. Son gendre a probablement une requête à vous présenter. Cette requête consiste à offrir à sa majesté de bons effets pour la payer.

Si ma très humble prière n'est point admissible, je la retire; si elle est juste, j'insiste audacieusement. Je sais un peu d'affaire eu gros; mais je l'expliquerais tout aussi mal que s'expliquent les gros livres écrits depuis peu contre la liberté du commerce des grains, liberté précieuse que nous bénissons dans nos cantons ignorés.

Je me borne à vous renouveler le sincère respect avec lequel je serai jusqu'au dernier moment de ma vie,

monseigneur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire