1775-05-23, de Pierre Michel Hennin à Charles Gravier, comte de Vergennes.

Monseigneur,

… Nous avons eu Jeudy dernier dans le Pays de Gex une fête assez remarquable.
Mde Denis, nièce de M. de Voltaire, étant hors de danger après une maladie longue et très fâcheuse, les habitans de Fernay ont voulu donner des marques de leur joye: Ils ont entre autres fait une cavalcade de près de cent homme à cheval en uniforme, avec tout l'appareil et tout l'ordre militaire: quand on se rappelloit qu'il y a douze ans il n'y avoit en ce lieu que vingt familles de malheureux Paysans, c'étoit un spectacle singulier que de voir une fête que beaucoup de Villes du Royaume seroient hors d'état d'égaler pour l'appareil et la dépense. C'est cependant la présence d'un seul homme riche et bienfaisant qui a opéré ce changement en peu d'années. Mille autres seroient en état d'en faire autant, mais l'attrait de la capitale les en détourne. Ne trouvera t'on pas moyen de les engager à aller faire dans les Provinces un meilleur usage de leurs richesses? De toutes les modes à ramener celle là seroit certainement la plus importante; peut être ne faut-il que quelques paroles du maître pour donner l'impulsion et faire atteindre le Royaume en peu d'années au plus haut point de prospérité.

J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect

Monseigneur,

Votre très humble et très obéissant Serviteur.

Hennin