1775-05-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Alexandre Marie François de Paule de Dompierre d'Hornoy.

Mon cher ami, je supose que tout est tranquile à Paris et aux environs, et qu'ainsi, je puis vous dire un petit mot de la très belle et très agréable fête que donna hier nôtre petit colonie, pour la convalescence de Made Denis.
Nonseulement nous avions cavalerie et infanterie, canons, timbales, tambours, trompettes, hautbois, clarinettes, table de deux cent couverts dans le jardin, bals, mais compliments très jolis et très courts en vers et en prose, le tout suivi d'une petite comédie de proverbe. Mr De Florian qui aime ces descriptions, et qui se porte mieux que moi, vous en dira d'avantage.

Tout ce que je puis vous dire, c'est que je vous aurais bien mieux aimé à cette petite fête qu'à vôtre chambre des enquêtes. On ne peut espérer de vous voir qu'aux vacances. Celà est fort triste pour les gens qui vous aiment.

Je vous dirai cette fois cy encor un mot touchant vôtre protêgé. Ce mot est qu'il faut absolument attendre les ordres de son maître, puisque nous avons mandé à ce maître que nous les attendrions. Toutes les affaires de ce monde sont hérissées d'épines. Je trouve vôtre situation une des plus heureuses, vous n'avez à redouter que l'ennui qui est essentiellement attaché aux procès.

Made Denis et moi nous vous embrassons bien tendrement.

V.