1775-02-12, de Charles Henry Chrétien Rosé à Conseil de régence de Montbéliard.

Nosseigneurs,

J'ai reçû Vos ordres du 8e de ce mois.
Je vais avoir l'honneur de Vous rendre Compte, Nosseigneurs, de ma Conduite à l'égard de Mr de Voltaire.

Lorsque son quartier de 7/m.lt de sa rente Viagère étoit échû au premier 8bre dernier, ma Caisse s'est trouvée sans Ressource pour longtems. J'ai pris le parti de lui écrire au Commencement du mois de Novembre dernier sous prétexte qu'il m'étoit trop génant et trop coûteux de faire tous les trois mois un Voyage à Bâle, pour soigner l'envoi de 7/m.lt; je l'ai prié d'agréer qu'à l'avenir je le paye par un semestre de six mois. Je lui ai promis en même tems l'exactitude du payement.

Il m'a répondu par sa Lettre du 12e dud. 9bre que quoi qu'il aye 81 ans et qu'à son âge six Mois soient un tems considérable, il se conformera cependant avec plaisir à tout ce qui me conviendra pour le peu de tems qui lui reste à vivre.

J'ai travaillé au mois de Janvier dernier à ramasser les 14/m.lt à lui échuës au premier dud. mois mais j'y ai été interrompû par Vos ordres du 16e dud. mois expédiés ensuite des Ordres exprés de S: A: Sme Monseigneur le Duc régnant; par ces ordres il m'a été enjoint de ramasser sans faute au 20e dud. mois 15/m.lt, de faire un Emprunt en cas de besoin jusqu'à concurrence de lade somme et de remettre le tout à Mr le Conseiller Sandherr. J'ai respecté ces Ordres, je m'y suis soumis, j'ai fait tout mon possible et je suis parvenu à la somme en y comprenant cent Louis que j'ai pris sur une Lettre de Change payable dans quatre semaines. Le 20e dud. mois de janvier j'ai reçû une Lettre de Mr de Voltaire, par laquelle il m'a demandé les 14/m.lt échuës au premier. Je lui ai fait mes Excuses par ma réponse. Je l'ai prié en même tems de vouloir bien se patienter, que je tâche de vendre des grains pour me mettre en état de le satisfaire.

Par le récit que je viends de faire Vous serés convaincu, Nosseigneurs, que le retard à l'égard de Mr de Voltaire n'est pas de ma faute et que pour le ménager je n'ai pû le laisser sans réponse.

Je m'occupe à saisir toute ocasion pour vendre des grains, mais les Amateurs ne se trouvent pas tels que je désire. J'ai actuellement 6/m.lt en Caisse, mais j'en dois cent Louis pour la susde lettre de change qui sera échuë au 19e de ce mois, cependant s'il faut on m'a offert de la prolonger encore pour un, deux oû trois mois.

Il me semble, Nosseigneurs, sauf Correction, qu'on pourroit solliciter Mr de Voltaire de recevoir 7/m.lt que je lui ferois passer de suite et qu'on lui payeroit dans le courant du mois d'avril prochain sans faute les 14/m.lt. Je crois qu'il s'y prêtera, mais il faudra lui tenir parole alors pour ne pas l'indisposer. Moyennant quoi on ne précipiteroit pas la Vente des grains. Je remets cependant à Votre Haute Disposition, Nosseigneurs, de prendre tel autre arangemt que vous jugerés à propos.

J'ai l'honneur d'être avec un profond Respect

Nosseigneurs

Votre trés humble et trés obéissant serviteur

C. H. C. Rose