1774-12-10, de Paul Claude Moultou à Jakob Heinrich Meister.

Nous avons reçu le procès-verbal du lit de justice.
On a lu devant M. de Voltaire les édits: il a tout admiré, & surtout celui concernant le rétablissement du parlement de Paris, dont les articles lui ont paru très-propres à brider cette compagnie. Il fait un grand éloge de M. le comte de Maurepas. Quant à M. Turgot, il est payé pour cela; c'est son ancien ami & partisan. Il en a reçu ces jours-ci une lettre de 4 pages, qui l'a comblé de joie. Mais ce qui l'a plus affecté encore, c'est une réponse qu'il a reçue de M. de Buffon, auquel il avoit écrit. Je suis bien aise de vous apprendre que ces deux grands hommes se sont réconciliés. On en fait l'honneur à Mad. de Florian, mais la gloire en est due à M. Guénaut de Montbeillard.

Pour revenir aux détails intérieurs, vous seriez surpris comment le sieur Vaniere, qui de postillon du philosophe de Ferney est devenu son secrétaire & son ami, peut suffire seul aux écritures immenses qu'il a.

Une des choses qui font le plus d'honneur à M. de Voltaire, c'est le soin qu'il prend de faire fleurir son village. Il y établit une manufacture de montres, qu'il protège par son crédit & par son argent. En 1773 il est sorti de ce lieu 4000 montres, faisant un commerce d'environ 400000 livres. Il y a 12 maîtres horlogers. Il y a entr'autres un M. Delfin, beau-frère du fameux l'Epine, auteur d'une pendule curieuse qu'il a présentée au feu Roi, comme de lui, & qui est réellement l'ouvrage de l'autre.

P. S. M. de Voltaire a reçu ces jours ici de Suisse un mouchoir, sur lequel est représentée l'histoire des jésuites.