17e auguste 1774
Mon très cher Bertrand le discours de m. Suard est hardi mais sage.
Il peut faire beaucoup de bien, et nul mal.
S'il n'y avait pas dans la lettre d'un théologien à Sabatier une douzaine de traits sanglants et terribles contre des gens puissants qui vont se vanger, l'auteur de cette lettre, qui est assurément Pascal second du nom, serait le bienfaiteur de tous les honnêtes gens, mais voilà une guerre affreuse déclarée.
Si vous saviez ce qu'on entreprenait, ce qu'on demandait, ce qu'on était prest d'obtenir, vous seriez fâché comme moy, qu'on ait fait paraître si mal à propos, un si excellent et si funeste ouvrage.
Vous savez qu'un nommé Chirol, autrefois domestique de Cramer, a reçu le manuscript de Paris, qu'il l'a fait imprimer à Geneve, qu'il a emploié mon ortografe. Il sait pourtant aussi bien que nous que je ne l'ai pas fait. Il l'avoue hautement; et il le dira juridiquement.
Les circomstances où cet admirable écrit paraît, me mettent dans la nécessité de publier combien je suis incapable d'atteindre à ce genre d'éloquence. J'attends de la probité et de la candeur de l'auteur, qu'il fera au moins comme Chirol, et qu'il ne me laissera pas accuser publiquement d'avoir rendu un si dangereux service à la raison. Il faut avoir cent mille hommes à ses ordres pour faire de tels écrits.
Coré et Datan, ne faites pas de moi le bouc émissaire. Vous ne serez pas engloutis, mais ne perdez pas un innocent.
Il est bien étrange qu'un gueux comme Sabotier devienne le prétexte d'une persécution, ou d'une révolution entière dans l'opinion des hommes.