Ferney, 11 juin 1774
Voici le temps, monsieur, où nous espérons avoir l'honneur de vous posséder quelques jours dans la course que vous allez faire en Vivarais.
Je suis pressé de vous voir accomplir vos promesses; car si vous tardez, il y a grande apparence que vous ne me trouverez plus. Je m'affaiblis tous les jours, et je sens que dans peu il faudra me joindre à la foule de gens qui m'ont précédé, et qui me suivront. Il est vrai que si j'ai le bonheur de vous revoir, vous me donnerez encore l'envie de vivre; mais je veux bien en courir les risques.
Je suis très fâché que madame Dixneufans ne vienne point avec vous. Mais quand on a juste la moitié de ce qu'on voudrait avoir, on doit être très content.
Je ne sais pas trop où vous êtes actuellement, ni où est madame Dixneufans; je hasarde ma lettre; elle vous trouvera bien. Passez par chez nous quand vous irez voir madame votre mère. Vous me trouverez probablement dans mon lit. Je n'en suis guère sorti depuis votre dernière apparition. Je suis entièrement mort au monde; mais je revivrai pour vous embrasser. Je vous souhaite toutes les prospérités, tous les agréments, tous les plaisirs dont je suis détrompé, et dont vous serez détrompé un jour tout comme moi. En attendant, conservez moi vos bontés, qui me sont bien chères.
V.