1770-10-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques de Rochefort d'Ally.

Mon ombre a été consolée et égayée par m. d’Alembert et par mr de Condorcet pendant quinze jours.
J’aurais bien dû me vanter de ma fortune à mes deux consolateurs du Vivarais, dont je regrettais plus que jamais la présence. Que madame la philosophe Dixneufans nous aurait animés! Que monsieur le chef de brigade nous en aurait dit de bonnes! Je ne peux plus écrire tant je suis faible, mais j’aurais pensé et senti.

Monsieur d’Alembert est actuellement à Lyon et s’achemine tout doucement en Provence.

Nous jetons enfin les fondements de Versoix, nous y bâtissons made Denis et moi la première maison; ce n’est pas que l’aventure des rescriptions m’ait laissé le moyen de bâtir, mais le zèle fait des efforts, et l’envie de mettre la première pierre dans la ville de monsieur le duc de Choiseul m’a fait passer par dessus tout. Je sais bien que je n’habiterai pas cette maison, mais madame Denis en jouira et je suis content: en attendant je me flatte d’être encore assez heureux pour voir monsieur et madame de Rochefort honorer Ferney de leur présence. On ne peut finir plus agréablement sa carrière.

Les ordres de mr de Rochefort seront ponctuellement exécutés par la colonie des horlogers.

Pardon d’écrire si tard et si peu; mais je n’en puis plus.

Mille tendres respects.

le vieil ermite V.