1774-04-22, de — Troussel à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

La cause importante qui se plaide actuellement devant un de nos tribunaux, ne peut qu'intéresser le généreux protecteur des Calas et des Sirven.
Les deux plaidoyers que je prends la liberté de vous adresser, vous apprendront combien est à plaindre l'honnête citoyen dont on m'a confié la défense. A son sort est lié celui de trois millions de sujets utiles à l'état; comme le jugement d'un grand homme est bien propre à déterminer celui des magistrats même les plus éclairés, daignez suppléer à la faiblesse de mes essais, par la force avec laquelle vous avez combattu jusqu'ici les préjugés et les erreurs que l'ignorance et la superstition avaient pour ainsi dire consacrés. Je souhaiterais surtout que vous employassiez contre les faux dévots et les conseils consciencieux de notre néophite, ce ton léger, ce ton charmant qui ne convient qu'à vous, et qui souvent produit plus d'effet que les sérieux ridiculum acri….

Que d'autres justes appréciateurs de votre mérite, monsieur, vantent ce génie rare qui le premier porta le flambeau de la philosophie au milieu des beaux arts, des sciences et de l'histoire. Qu'ils louent ce poème immortel, où l'auteur nous a peint avec la touche des Raphael et des Michel Ange le tableau affligeant des malheurs occasionnés par les guerres dont la religion n'était que le prétexte. Qu'ils applaudissent au nouveau Sophocle qui en démasquant l'imposteur Mahomet, a su nous inspirer l'horreur du fanatisme et l'amour du vrai. Pour moi, ô mon maître! dans ce moment je n'aperçois en vous que l'ami de l'humanité, toujours prêt à la servir et à l'honorer par des actions de bieinfaisance et par des ouvrages lumineux qui sont la gloire et l'instruction de notre siècle, et qui feront l'admiration et les délices de la postérité.

J'ai l'honneur d'être avec un profond respect

monsieur
votre &ca.