1774-04-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à André Charles Cailleau.

Monsieur, quoique j’avance à pas de géant à mon seizième lustre et que je sois presque aveugle, mon cœur ne vieillit point; je l’ai senti s’émouvoir au récit des malheurs d’Abailard et d’Héloïse dont vous avez eu l’honnêteté de m’envoyer les lettres et les epîtres que je connaissais déjà en partie.
Le choix que vous en avez fait et l’ordre que vous y avez donné, justifient votre goût pour la littérature. Votre réponse à la lettre de notre ami Pope, m’a beaucoup intéressé; elle enrichit votre collection, elle est purement écrite et avec énergie. Qu’elle peint bien les agitations d’un cœur combattu par la tendresse et le repentir! Il serait à souhaiter que ceux qui exercent l’art typographique eussent vos talents. Le siècle des Elzevir, des Etienne, des Froben, des Plantin &c. renaîtrait; je ne le verrai point, mais je mourrai du moins avec cette espérance.

Je suis &c.