28e janv: 1774
Je n’ai pu remercier plutôt mon cher ange de toutes ses bontés.
Je ne suis pas toujours le maître de mon temps. J’ai été assez violemment malade huit jours de suitte, et dans ces états là on ne songe guères ni aux Africains ni aux anciens Romains, mais je songe toujours à mon cher ange.
Je ne sais pas trop ce que c’est que ces petites familiarités dont vous me parlez. Vous me ferez grand plaisir de m’en instruire quand vous aurez un moment de loisir.
Je n’ai reçu qu’une Lettre assez vague de la part de Laharpe. Je suis si peu informé qu’on ne m’a pas même mandé si c’est Molé qui joue Scipion. On dit qu’il n’est pas fait pour jouer seulement le rôle d’un page. Je ne le connais point du tout. Je m’en raporte à ce que vous en pensez.
Le Kain m’écrivit il y a quelque temps. Voulez vous bien me permettre de mettre ma réponse dans votre paquet?
Tout le monde me dit qu’il s’est surpassé dans le rôle de Massinisse. Je ne crois pourtant pas que cette pièce ait un succez durable. Celle de Mairet était ridicule, celle de Corneille ne valait rien du tout, et celle ci ne vaut pas grand chose. Le succez constant est prèsque toujours dans le sujet. Celui de Sophonisbe n’est que difficile.
Je suis encor si faible, et d’ailleurs si peu instruit de l’état présent du tripot que je ne peux vous rien dire touchant le Code de Minos. Cet ouvrage aurait pu passer dans le temps où il fut fait. C’était un vaudeville moitié polonais, moitié suédois.
Je vous prie, mon cher ange, lorsque vous voudrez bien m’écrire, d’adresser d’oresnavant vos ordres à Gex.
Je rends grâce au bon Dieu que Madame D’Argental se porte mieux.