1773-11-10, de Pierre Louis Moline à Voltaire [François Marie Arouet].

[c. 10 November 1773]

Monsieur,

J'avais reçu la permission de m. le maréchal duc de Richelieu de composer sa notice pour la galerie universelle, je n'ai rien négligé pour la rendre intéressante: j'ai même employé tout ce que vous avez dit si élégamment dans le siècle de Louis XV.
J'apprends que vous voulez bien consacrer votre plume à la notice de cet illustre guerrier, et que vous n'attendez que des renseignements nécessaires pour y travailler.

Plein de respect et d'admiration pour vos sublimes talents je saisis cette occasion pour vous envoyer la notice que j'ai faite dont les époques sont exactes, puisqu'elles m'ont été communiquées par les ordres de m. le maréchal de Richelieu.

Il n'était permis qu'à Appelle de peindre Alexandre, il n'appartient qu'à vous de chanter les héros, et d'ajouter encore à leur gloire par la force de votre éloquence. J'ose soumettre à vos lumières les vers que j'ai faits pour lui: je serai trop flatté, s'ils sont dignes de mériter le moindre de vos regards.

Favori de Bellone, il triomphe dans Gènes;
De Minorque il est le vainqueur;
Il réunit à la valeur
L'amour des arts, le goût et l'esprit de Mécènes.

Permettez moi, monsieur, de vous tracer encore ici ceux que j'ai composés pour vous et que je prends la liberté de vous adresser avec votre portrait.

Si Voltaire eût vécu dans le temps où la Grèce
A chaque homme célèbre érigeait un autel.
Il y en aurait de toute espèce;
Mais un seul eût suffi pour le rendre immortel.

Voilà, monsieur, quels sont mes sentiments à votre égard; j'ai du plaisir à croire que cette pensée est vivement empreinte dans le cœur de tous ceux qui connaissent les beautés de vos ouvrages. Puissent mes faibles vers mériter l'approbation du plus grand homme du siècle!