1773-04-04, de Gottlob Louis von Schönberg, Reichsgraf von Schönberg à Voltaire [François Marie Arouet].

Que ferions nous sans vous, ô lux immensi publica mundi, puisque malgré vos émanations la terre s'obscurcit quelquefois?
Que de ténèbres et de sottises encore! Il y a des sottises qui laissent une impression durable lors encore qu'elles sont reconnues, tant nous sommes enclins à l'erreur! La sottise de Jean Jacques en disant d'un homme devenu célèbre qu'il était mort en dieu a pu me faire trembler tous ces jours-ci, comme si un dieu pouvait mourir. J'en rougis aussi à présent. Le culte que je vous rends dès ma première jeunesse aurait dû me garantir d'une terreur impie autant que vaine. Au fort du trouble dont je m'accuse, j'ai vu la lettre d'un médecin, point religieux à la vérité, mais d'ailleurs plein de lumières. Il ne voyait en vous que l'homme, et cependant il mandait que c'était l'homme le plus fortement constitué. Aussi humainement parlant annonça t-il au moins les années de Fontenelle. Il les annonce à un protecteur auprès duquel il lui importe, avant tout, de faire preuve de son habileté dans l'art des pronostics.

Au milieu de la catholique allégresse, de la publique joie de votre rétablissement, je suis trop exalté par mon bonheur pour pouvoir me refuser à vous en présenter l'hommage. Daignez l'agréer comme le plus pur de tous, ainsi que celui du respect le plus tendre, de la plus profonde vénération et de l'attachement le plus inviolable.

Schomberg