1773-03-31, de Louise Suzanne Necker à Voltaire [François Marie Arouet].

Mr, Votre convalescence est donc certaine.
Nous n’avons plus qu’à nous repentir d’avoir craint un moment que vous ne fussiez pas immortel; je ne veux pas abuser de votre temps, je ne veux que faire passer deux mots jusqu’à vous. Que ces deux mots vous peignent à la fois l’excèz de nos allarmes et les transports de notre joye. Notre âme ne voyoit qu’avec effroi le vuide immense qui pouvoit se faire dans la chaine des êtres, aussi je souffrois dans ces grands rapports avec tous ceux qui aiment l’humanité et cependant mon coeur étoit encor plus profondément déchiré, par le sentiment d’une tendre amitié, et par celui d’une admiration qui m’est commune avec tous les hommes mais qui fait partie de ma gloire et de mon bonheur. Je ne dis rien de plus, je ne vous demande point de réponse; vivez, et vous ferez tout pour moi.