30e 9bre 1772, à Ferney
Il n’y a que vous, mon cher successeur, qui aiez pu écrire au nom d’Horace.
Heureusement vous ne lui avez pas refusé vôtre plume comme il refusa la sienne à Auguste. Vous avez mis dans sa Lettre la politesse, les grâces, l’urbanité de son siècle. Boileau n’a pas été si bien servi que lui. Dequoy s’avisait-il aussi de prendre son secrétaire dans les charniers st Innocent? Je vous remercie des galanteries que vous me dites tout indigne que j’en suis; et je vous remercie encor plus d’avoir si bien saisi l’esprit de la cour d’Auguste. Ce n’est pas tout à fait le ton d’aujourdui Nôtre recaille d’auteurs est bien grossière et bien insolente, il faut lui apprendre à vivre. J’avais voulu autrefois ménager ces mesieurs; mais je vis bientôt qu’il n’y avait d’autre parti à prendre que celui de se moquer d’eux. Ce sont les enfans de la médiocrité et de l’envie; on ne peut ni les éclairer ni les adoucir. Il faut brûler leur vilain visage avec le flambeau de la vérité. Jamais de paix avec un sot méchant. Pour peu qu’on soit honnête ils prétendent qu’on les craint.
Vous donnez quelquefois dans le mercure des leçons qui étaient bien nécessaires à nôtre siècle de barbouilleurs. Continuez, vous rendez un vrai service à la nation.
Je vous embrasse plus que jamais; Made Denis a été bien malade d’une furieuse dissenterie. Elle vous fait ses compliments.