1772-11-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Lambert d'Herbigny, marquis de Thibouville.

Quand madame Dénis vous épousera, il faudra bien qu’elle écrive, quand ce ne serait que pour signer son nom; à moins que son aversion pour l’écriture ne lui en donne aussi pour le sacrement du mariage.
Pour moi, mon très aimable baron, qui ne suis point à marier, il me semble que j’écris assez régulièrement.

Je vous prie de me mander si vous êtes un peu content des répétitions. Je voudrais bien que notre plaidoyer pût réussir. Nous avons contre nous une cabale aussi forte que celle qui accable mr de Morangiez; mais je tiens qu’il faut être extrêmement insolent, et ne s’étonner de rien.

Je puis donc compter que vous avez eu la bonté de faire copier le plaidoyer conformément au dernier factum de Le Kain. Mais j’ai peur que le français dans lequel il est écrit ne soit pas entendu, car il me paraît qu’on parle aujourd’hui la langue des Goths et des Vandales. Si l’on ne fait plus de cas de l’harmonie des vers, si l’on compte ses oreilles pour rien, j’espère au moins que les yeux ne seront pas mécontents. Le spectacle sera beau, majestueux et attachant. Autrefois il fallait plaire à l’esprit à présent il faut frapper la vue.

Voulez vous bien aussi avoir la bonté de me dire quel rôle prend Molé.

Qu’est ce donc que cet Albert d’Autriche? Est ce Albert le grand? est ce le petit Albert?

Le Dupont, auteur de cette pièce est il le Dupont auteur des Ephémérides du citoyen? Vous m’enverrez au diable avec mes questions et vous ferez bien; mais je n’en aurai pas pour vous moins d’attachement et de reconnaissance.

V.