17e 8bre 1772, à Ferney
Je ne sais où vous êtes actuellement, Madame; des députés de ma colonie m’aportent une petite boëte pour vous.
Je l’envoie à Monsieur D’Ogni. C’est lui seul qui soutient cette pauvre colonie, approuvée et abandonnée par Mr le Controlleur général.
Nous vous demandons en grâce d’emploier vôtre éloquence et vôtre art de persuader à nous conserver la bonne volonté de Monsieur D’Ogni. Je suis honteux des peines que je lui donne tous les jours, et de la quantité énorme de boëtes dont je charge ses couriers.
Nous vous suplions de vouloir bien lui parler de ses bienfaits et de nôtre reconnaissance, et de faire valoir auprès de lui même le prix de toutes ses bontés. Ferney est fort augmenté, il s’accroit tous les jours, il devient une petite ville, mais il périra si on ne le soutient. Il est bien juste que ce soit la sœur de nôtre commandant qui nous protège. Cet établissement est bien supérieur à un opera comique.
Je souffre plus que jamais de l’opération par laquelle Mr le controlleur général débuta. Il se saisit de la plus grande partie de mon bien qui était en dépôt chez Mr Magnon. Il n’y a point de jour où je ne sente cette privation. Elle arrête tous nos progrès qui sans ce malheur auraient été plus considérables et plus rapides. C’est le plus violent chagrin que j’essuie après la douleur de voir que vôtre ami qui est à la campagne comme moi, s’imagine que je lui ai manqué. Cette plaie est plus cruelle, et elle saigne toujours.
Made Denis vous présente ses très humble obéissances.
Racle n’a pas plus d’argent au mois d’octobre qu’il n’en a eu au mois de juillet.
On prit deux montres pour le Roi dans nôtre colonie au mariage de Madame la Dauphine, mais elles ne sont point paiées, et l’Impératrice de russie paie les siennes malgré la guerre avec les Turcs.
Continuez moi vos bontés, Madame, elles me consolent de tout. Soiez heureuse, portez vous bien, daignez vous souvenir d’un petit coin du monde où vous êtes adorée.
Le vieux malade de Ferney