4e 7bre 1772
Je voudrais, mon très cher, et très grand philosophe, qu’on donnât rarement des prix, afin qu’ils fussent plus forts et plus mérités.
Je voudrais que l’académie fût toujours libre, afin qu’il y eût quelque chose de libre en France. Je voudrais que son secrétaire fût mieux renté, afin qu’il y eût justice dans ce monde.
Je voudrais! … Je m’arrête dans le fort de mes je voudrais; je ne finirais point. Je voudrais seulement avoir la consolation de vous revoir avant de mourir.
On m’a parlé des maximes du droit public français. On m’a dit que celà est fort, mais celà est-il fort bon, et avons nous un droit public nous autres Welches? Il me semble que la nation ne s’assemble qu’au parterre. Si elle jugeait aussi mal dans le tripot des états généraux que dans celui de la Comédie, on n’a pas mal fait d’abolir ces états. Je ne m’intéresse à aucune assemblée publique qu’à celle de L’académie puisque vous y parlez. On vous a cousu la moitié de la bouche; mais ce qui vous en reste est si bon, qu’on vous entendra toujours avec le plus grand plaisir.
Nous attendons une histoire détaillée de l’avanture du Dannemark. On la dit très curieuse; on prétend même qu’elle est vraie. En ce cas ce sera la première de cette espèce.
Le Roi de Prusse me mande qu’il m’envoie un service de porcelaine, vous verrez qu’elle se cassera en chemin; il jouïra bientôt de sa Prusse Polonaise. En digèrera t-il mieux? en dormira t-il mieux? en vivra t-il plus longtems?
J’ai à vous dire pour nouvelle que nous nous moquons icy de la foudre, que les conducteurs, les anti-tonnerres deviennent à la mode comme les dragées de Keyser. Si Nicolas Boileau avait vécu de nôtre tems, il n’aurait pas dit si cruement,
Permettez que je vous adresse ce petit billet pour Mr De Condorcet.
Vivez memor nostri, je suis à vous passionnément.
V.