1772-06-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Théophile Imarigeon Duvernet.

Je ne vous enverrai point, monsieur l'abbé, les pièces de vers faites en mon honneur et gloire.
Soyez très persuadé, monsieur, qu'on aimera mieux une épigramme contre moi, bonne ou mauvaise, que cent éloges. La louange endort, la satire réveille; et le monde est si rassasié de vers, que la satire même a cessé d'être amusante. On a trop de tout dans le siècle où nous sommes, et trop peu de personnes qui pensent comme vous.

Je ne manquerai pas de présenter ma requête aux souverains du théâtre de la comédie française. Je ne connais que Lekain, mais je tenterai tout auprès des autres, supposé qu'ils jouent un ouvrage nouveau dont je leur ai fait présent, et supposé surtout que cet ouvrage dont ils n'ont pas grande opinion, ne soit pas sifflé du public, comme on me le fait craindre; car il n'y a pas moyen d'imposer une taxe, quelque légère qu'elle soit, sur ses propres troupes, quand elles ont été battues.

Soyez bien persuadé, monsieur le philosophe, de tous les sentiments dont est pénétré pour vous le vieux malade.